C'est libre que je suis meilleur

A ne pas lire / Drôleries / Dieu est un bon vivant / Rêveries

Comme une coupe que chacun remplit, la vie n'a de gout que par les senteurs que nous n'avons pas.

A ne pas lire

Il est triste ce territoire qui souffre de la cupidité des hommes quand les meilleurs de ses enfants sont partis voir si l’herbe est plus verte ailleurs. On se bouscule, on complote, on échafaude des plans de comète pour se faire une place au soleil, sur la dernière marche de l’escalier en haut duquel se tient le maître. De temps à autre, on surprend la main du comptable qui s’empare de quelques deniers publics. On le fustige, pour la forme puis on oublie que le sang du voleur coule dans ses veines. L’homme de Dieu murmure quelques prières en louchant sur le balcon de la femme qui ignore, sur sa croupe, le regard des autres.
Il est malade, ce territoire, rongé jusqu’à l’os par l’ignorance des mots qu’on utilise pour le guider. Ils font la fête, aux frais du peuple et chante l’hymne de l’ancêtre mort sur le champ de bataille. C’est ma colère qui invente les mots qui tombent comme des gifles sur le visage du mensonge érigé en dogme indiscutable. Sur la carriole tirée par l’âne, souffre la femme. L’enfant dans son ventre s’obstine à vouloir sortir à la lumière. Le père maladroit espère le contraire. « A quoi bon ? » se murmure-t-il, quand la vie qui l’attend ne vaut même pas la crampe qui torture sa femme. L’aube s’étire, le jour se lève quand ils arrivent devant ce qui ressemble à un dispensaire. Des mauvaises herbes en guise de jardin et la porte grince avec un bruit de rouille et de négligence. Ici, au bled, le médecin ne passe que pour vérifier le courrier officiel. Les patients, eux, ne le concernent que pour le salaire qui tombe, chaque mois, dans son escarcelle. Le Caïd invisible fait parler de lui, le jour du souk, quand le crieur rappelle aux marchands le prix à payer pour faire des bénéfices et la vieille femme qui tisse, pendant des mois, le tapis que le vieux hadj lui prend en lui glissant en cachette l’aumône qu’il transforme en racket impitoyable.
Il est mort l’homme bon qui venait la veille de la fête pour distribuer ce qu’il enlève aux riches seigneurs derrière leur enceinte. Le vent est plus froid depuis le jour où, contrairement à son habitude, il ne vint plus caresser la souffrance des enfants, l’angoisse des lendemains qui paralysent les mères et fait rager les époux, derrière ce qui leur reste comme fierté !
Quel pays est-ce quand les plus faibles s’excluent de la longue marche même quand elle ne mène nul part ? Marcher sans s’arrêter pour mériter le droit d’être compté parmi les privilégiés d’une misère colorée avec des pages d’écriture sainte. Ils marchent comme on espère tout en sachant que l’histoire se répète, leurs parents ont marché ainsi que leurs grands pères et leurs enfants n’auront d’autre choix que de marcher pour qu’un jour peut être, tombe du ciel, le miracle qui fera de leur enfer, un paradis.
L’ambiance dans mon cœur est celle qui rappelle le silence des cimetières oubliés avec leurs corps abandonnés. La vie ne compte plus ses victimes et ceux qui se mettent à leur fenêtres pour voir des hordes marcher, n’attendent que la voix pour laquelle ils ont vendu leur âme au diable, pour quelques miettes argentées, jetées comme des graines de maïs au milieu des poules qui se disputent sous le regard du coq, fier de sa crinière.
Des bêtes humaines, la bave aux commissures des lèvres qui se pavanent avec leur indigence humaine et, pour quelques onces d’attention, arrachées au sourire du maître, ils se prennent pour des lumières dans l’obscurité des ruelles sales.
La misère est un spectacle qui ne plait qu’à ceux qui pensent que l’argent donne du pouvoir même quand il leur enlève toute dignité.
La mère nettoie les grains de riz avec pour toute pensée le chemin que doit prendre son enfant pour ne devenir ni un gueux sale et pauvre, ni un arrogant qui enlève le pain à l’orphelin. Elle se privera pour lui, ne mangera que la moitié d’une part et réserver le reste pour plus tard, quand il voudra partir pour ne plus revenir. Elle sait qu’elle l’enterre avant de pouvoir, un jour, le voir devenir père. Elle sait que si Dieu pouvait agir, il effacerait la douleur de tous les ventres qui ont faim.

Rêveries

Quelle est cette paix qui donne à mon humeur, un air de printemps ? Quand je feuillette les pages de ma mémoire, sur les marges, en deçà du trait rouge, des mots, rien que des mots qui m’indiquaient la parole à murmurer, l’acte à ne pas oublier ou la promesse à tenir. Comme une source d’eau fraîche qui coule imperturbable et sans interruption, tout semble se cultiver à l’ombre de cette fidélité qui, aujourd’hui, dessine aux autres ce qu’on a toujours été. A force de rester mi-même, on ne fait aucun effort pour éviter de se tromper. Qui, autre que la nature humaine, peut se targuer d’avoir pour origine le beau ? Qui, à part elle, force l’admiration quand l’esprit crée, le corps jubile ou l’âme se transcende pour rejoindre les cimes incommensurables de la plénitude ?
Nous sommes le fruit de nos aspirations et de nos ambitions. Plus humbles sont elles et plus vrais nous sommes. « Il ne faut pas jouer les riches quand on n’a pas le sous » chante Brel et c’est sur cette base qu’il faut affronter la vie. Que dis-je ? Affronter ! Non juste l’accepter, la vivre et s’en délecter jusqu’à l’évanouissement. Ne rien exiger est le maître mot, juste accepter ce qui nous arrive, à chaque fois, comme une nouvelle aventure dont il faut tirer les leçons. C’est à force de trébucher qu’on améliore notre soif à devenir meilleur. Meilleur, non par rapport aux autres mais juste meilleur pour trouver la manière avec laquelle nous enfilons ces perles quotidiennes qui font notre destin.
Se dire, au crépuscule de sa vie, que l’existence fabriquée à coups d’effort ne vaut que par le bien qu’on a su faire, les mots exactes qu’on a su dire et le geste qu’il fallait faire au moment où on devait le faire. Comme une coupe que chacun remplit, la vie n’a de gout que par les senteurs que nous n’avons pas. Si Sartre disait que « l’enfer, c’est les autres », il est sage de reconnaître que c’est grâce aux autres que nous avons su grandir.
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Belaid Belhaoui

Drôleries

Quand je sors d’une déception, la douleur reste profonde mais quand je me mets à faire le bilan, Dieu quel bonheur que d’avoir été fidèle à mes engagements ! Il y a, bien sûr, cette aigre amertume pour n’avoir pas été prudent mais quand la nature a fait de nous des êtres vrais et entiers, il est quasi impossible de donner sa confiance avec parcimonie. Elle est totale ou elle n’est pas. Il n’y a pas de demi mesures dans une véritable relation sauf si, derrière le rire , il y a des parcelles de mensonge qui en dénature l’éclat. Certains pour le fugace plaisir d’un tour joué pour tromper, se contentent de ce qui n’aurait jamais dû être quand on s’est habitué à la beauté du verbe et de l’acte,. Libre à eux de s’interdire d’être heureux jusqu’à l’évanouissement.
Je regarde derrière moi et, tous les « ce que j’aurai dû faire » deviennent des perles du collier de mon intégrité. Il y allait pour moi, à chaque fois, de ne rien laisser au hasard et à l’hésitation sinon, quel gout à la vie quand on se retient pour la vivre ? Quel saveur ont les plats des amitiés verrouillées par la méfiance ? Quelle volupté dans le baiser qui reste un simple attouchement, bestial jusqu’à l’insignifiance ? Comme une échelle posée sur un mur, la vie se fait en grimpant toute les marches pour que le regard atteigne l’immensité de son horizon infini.
Ni rancune, ni esprit de vengeance devant la perfidie ou la trahison sinon, c’est ouvrir des interstices par où s’infiltre la haine de l’autre et qui, comme des métastases, ronge le corps et l’esprit, de l’intérieur. L’idée même de penser à mal pour l’esprit qui a perdu du temps pour avoir ce que qu’on lui offre avec bonheur, est inutile quand il faudra plus le plaindre que de le blâmer pour n’avoir pas su être à la hauteur dur regard qu’on posait sur lui. Est-ce sa faute si la petitesse de sa plus belle pensée est de choisir voler des miettes au lieu de laisser s’offrir la plus belle des parts ?
Certains n’ont pas appris, ni compris, que les actes que nous faisons, les mots que nous inventons dessinent pour nous la place où nous voulons être. Il y a, partout, ces gens si intelligents qu’ils préfèrent le strapontin gratuit, derrière la poutre qui gène le regard au fauteuil qui a vue sur scène, les bras au repos sur les accoudoirs.

Il y a des dates dans la vie de chacun qui reviennent sans qu’on le leur demande, des souvenirs qui, comme la flèche d’un monument, regardent au delà de l’horizon, ceux des êtres qui nous ont tenu la main pour écrire une ligne, un paragraphe ou un chapitre de notre vie. La plupart du temps si ce n’est pas toujours, leur soutien, leur présence et leur mansuétude n’avait d’autre intérêt que de semer les graines de la joie de vivre, cette foi indescriptible qui prend la vie comme un bien précieux et dont il faut en louer celui qui nous l’a donnée.

Dieu est un bon vivant

Quand je le vis la première fois, tout autour de lui, ce n’était que rire et plaisanterie. J’admirais sa manière de manger le couscous, mélangeant légume, viande d’agneau et semoule pour en faire une boule. Chaque occasion était pour lui une fête. Des beignets (schfenj) au thé à la menthe à l’immense pastèque qu’il découpait avec art et jamais, au grand jamais, le goût n’était pas sucré et la mie rose à la texture divinement veloutée.
Aujourd’hui, quand je me rappelle les moments passés à le regarder comme un personnage biblique et qui, s’il avait vécu au temps d’Homère, aurait été un demi dieu tant il croquait la vie à pleines dents, avec justesse et avidité.
De toute la période que j’ai passée à ses côtés, je ne retiens que sa carrure de guerrier, audacieux et téméraire au point que quand je découvris les vers de Chamfort au lycée, « les raisonnables durent mais les passionnés vivent ! », je compris que la seule manière de vivre est celle qui ne tient compte que des limites naturelles, celles du corps et de l’esprit.
Dieu est un bon vivant car, à son image, des hommes et des femmes, ont embrassé la vie avec fougue, y cherchant le meilleur et l’intense. Aucune loi ne saurait les détourner de cette volupté qui se répand quand la joie de vivre devient une religion.
La lâcheté à se retenir quand, pourtant, au fond de son gosier, on sent les papilles danser, devant le plat de « rfissa » sur lequel trône un coq beldi, sacrifié juste pour le bonheur d’être en famille comme si, chez ces gens là et leurs proches, il n’y a pas de bonheur sans celui de la panse.
Dieu est un bon vivant car il n’a pas conçu la croupe généreuse juste pour la nécessité pour le fœtus d’être à l’abri, il en a fait la source de plaisir qui fait faire à l’homme, d’incroyables prouesses juste pour mériter le bonheur de pouvoir y reposer sa main comme une invitation au mariage, éternellement consommé. Ces hommes et ces femmes qui, dans le raffinement et l’allégresse nous laissent comme leçon inévitable, cette obligation de vivre et de laisser vivre car chacun est dépositaire d’une existence qu’il se doit de remplir. Chaque vie est une coupe de cristal et c’est ce qu’on y boit qui fait de nous un être qui sait vivre ou un autre qui attend pour vivre.
De la bouche qui avec des mots apaise ou terrorise à la bouche qui engloutit, en riant, des trésors culinaires, le mot Dieu n’est pas un rugissement de monstre affamé, ni la plainte sournoise d’une hyène aux aguets, le mot Dieu veut dire vie. Dieu a créé, pour la vie, des papilles et des pupilles, il nous a permit de voir le beau et éviter le laid grâce à la paupière, il nous a fait naître avec un cœur qui bat pour nourrir le corps mais qui suffoque quand la beauté devient palpable au point d’éblouir la raison et la conscience. Il nous a permit de marcher pour aller et venir. Aller à la quête de sa nourriture mais plus pour rencontrer ce qui manque à notre équilibre. Il n’y a pas de prière capable de remplacer le besoin d’aimer et d’être aimé. Dieu est un bon vivant pour qui l’amour est le plus fabuleux des destins.
A ma mère et mon oncle

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