C'est libre que je suis meilleur

Réquisitoire / Fais ce que tu aimes / Ok, parlons-en / Sosies d’intellectuels /

avec un témoignage de Mr Mohamed Akroun

Réquisitoire

Nous sommes des citoyens marocains. Certains vivent sur la terre de leur ancêtres, d’autres ont fait leur destin ailleurs. Chez tous demeure vivante cette fibre qui sent l’odeur de l’enfance, la crainte de décevoir le paternel juché sur son orgueil de père de famille ou cette joie frénétique dans la course vers l’affection maternelle. Nous avons nos mots pour dire sans le montrer, notre bonheur d’être nés sur cette terre. Il y a, chez nous, comme une fraternité qui, quand elle s’arrête, ne finit pas dans le caniveau mais devient indifférence et discrétion. Dans la vie, comme dans la rue, les gens se rejoignent selon leurs intérêts, leurs affinités et, dans la poussière des bavardages, souvent inutiles, reste le regard de Dieu comme le minaret surplombant le brouhaha de nos joies et de nos déceptions. Certains ne se parlent plus, s’ignorant avec élégance mais quand l’un est frappé par le malheur, la solidarité se réveille, l’oubli met, sous le tapis, les rancœurs et les remords. La peine devient collective jusqu’à parfois dépasser la douleur de celui qui en a subi les affres. Nous sommes ainsi, citoyens d’une contrée favorisée par le créateur et nos différences viennent des paysages qui nous entourent. Ressacs de vagues qui grignotent les rivages ou froid des montagnes, aux morsures lancinantes jusqu’aux brûlures du soleil sur le sable ocre clair de Merzouga. Nous ne nous disputons pas la beauté des couchers qui brûlent nos horizons car nous savons que c’est le même soleil qui réchauffent nos plaines, nos vallées et nos montagnes…
Dans cette confidence solitaire, il ne faut pas voir un quelconque besoin de pérorer pour ne rien dire, elle prépare, en moi, pour vous, une autre colère. Celle de ceux qui, parce qu’ils ont eu la chance d’être heureux, ailleurs, ont fini par perdre ce dont je parle plus haut, cette flamme qui se réveille, n’importe où. Du pôle Nord aux steppes de Russie, de Nagasaki à Saint Domingue. ce petit pincement que vous ressentez quand, à quelques pas, on parle Darija. La  » marocanité « se réveille et, tout d’un coup, vous n’êtes plus seul, vous n’êtes plus ailleurs. L’espace que vous partagez devient une parcelle du pays. L’instant d’un soupir, vous revenez au pays, avec ses couleurs et ses senteurs. Parfois on échange un regard comme une complicité retrouvée, parfois on se retient. Le respect est une de nos profondes valeurs.
Le respect ! Non des lois qui régissent le pays d’accueil mais le respect de l’autre, du voisin, de l’humain jusqu’au bout de pain qu’on ramasse, qu’on embrasse avant de l’éloigner du chemin. Le respect de l’âge qui nous fait supporter le vieillard qui n’a plus que quelques neurones. Combien de fois ai-je fais semblant d’attendre pour ne pas monter derrière la voisine ? Le respect des femmes mariées. Cette manière d’être et de vivre fait le marocain même quand il entre à la NASA ou intègre l’ONU. Il ne sera heureux que dans cette simplicité, pour ne pas dire humilité, qu’il a appris à aimer en regardant sa mère se brûler les doigts en montant la tour de « mlawis ». Il peut se pavaner, au volant d’une Lamborghini pour épater les voisins et pourtant, il jubilera à l’idée de boire un verre de thé à la menthe en compagnie de Mouloud, son jardinier marocain.
Des hommes simples et des femmes fières, nous sommes cette espèce qui ne disparaîtra jamais même si certains parce qu’ils ont appris à penser « amerlock », croient avoir atteint le Nirvana.
Je les rencontre et je ne vois en eux, de marocain que la maladresse d’avoir perdu leur âme. A force d’être plus américains que les sioux du Colorado, les senteurs du pays, sur eux, sont odeurs d’égout !

Ok, parlons-en

On veut nous changer l’identité, dit l’ami, tout aussi féru de cette terre que la majorité, pour ne pas dire la totalité du peuple qui vit entre le détroit et le sable du Sahara.
Comment s’y prendront-ils ?
Il leur faudra dépecer les corps et gratter les parois des cœurs pour s’avouer vaincus quand ils arriveront au seuil de nos héritages et de nos traditions. Aussi loin que l’on peut monter dans l’Histoire, au début de chaque chapitre, à la fin de chaque page et même sous la poussière de la reliure, il y a la douceur des conversations et les senteurs qui racontent les univers des cuisines simples ou raffinées. Quand ils plongeront leurs doigts qui portent la marque des chapelets d’orient, dans la semoule brûlante qui transpire sous le poulet beldi, il oublieront jusqu’au murmure lointain de leurs maîtres. Ils voudront prendre le temps de se laisser aller au vertige du vêtement ample qui rafraîchit leurs ardeurs. Fils de soie entre fils de laine et l’élégance frappera leur ignorance du beau dans le métier à tisser et le geste grave d’El Hajja Fatima. A l’ombre de l’arganier, les chèvres joueront pour les émouvoir et si l’huile à l’arôme étonnant ne les détourne pas de leurs desseins, la fraîcheur de l’eau qui tombe de la falaise d’Ouzoud chassera ce qui leur reste comme conscience pour les endormir entre le murmure des ruisseaux et le chant, dans les arbres, des oiseaux.
Il leur faudra devenir plus subtil que le rire qui éclate sur la grande place de Jame3 Lefna, plus droit que Moha l’épicier qui chante Inezgane ou Brahim qui fait commerce dans l’huile vierge qui raconte Ouazzan ou Beni Mellal. Arriveront-ils à faire oublier au cordonnier, les longues tirades du Malhoun quand il taquine, sous l’œil du prophète, la belle Fatma. Oseront-ils, s’ils le peuvent, penser pouvoir égaler dans les limbes de nos mémoires, la déchirure qui s’entend de loin, quand le père dit non à l’amour qui ne survit qu’avec la bénédiction tracée à la plume taillée dans le roseau ?
Comment feront-ils pour nous séduire quand le dieu qu’il brandissent est taché de sang, nous, peuple habitué à la beauté du geste et du verbe,  quand le prophète murmure à l’oreille d’Aïcha, tout l’amour qu’une alliance peut contenir ?

Toile X Internet

Réquisitoire 2° partie

Il semble que j’ai jeté un pavé dans la marre et ce que je pensais décrire comme un sentiment commun aux marocains est devenu un sujet de mémoire sociologique. L’identité dont je parlais avec amour et tendresse s’est transformée en alibi pour détruire toute tentative de nous trouver un ciment affectif qui ferait de nous « Un » peuple parlant la même langue. Ni celle du Coran, ni celle du colon mais celle de la rue, celle de la mère qui voit les lettres comme des crottes de fourmis qui ne veulent rien dire. On y a trouvé des relents de racisme car, de nature, semble-t-il, le marocain n’aime pas le subsaharien. J’ai parlé de « Tamaghrabit » dans ce qu’elle a de général et qui englobe le sud comme le nord, le juif comme le chrétien, le croyant comme l’athée. Je n’y ai pas mis de barrières et je n’ai, aucunement pensé, à exclure quiconque. Ma nuance était et est dans le degré de présence de ce qui fait de nous des enfant du pays de l’Argan. On m’a accusé de vouloir nier l’humanité en cherchant des spécifications aux marocains. Et je viens de le dire: nous sommes bien les fils du pays de l’Argan. Quel autre pays peut se targuer d’avoir cet arbre sur son sol ? C’est ma géographie, mon climat et mon histoire qui fait de moi le marocain que je veux encenser. Ils veulent appeler cela du chauvinisme mais quel pays échappe à sa spécificité culturelle et identitaire ?
Je ne veux nullement tordre le coups à l’humanité pour ne laisser vivre que mon pays, je veux simplement rappeler à ceux des miens, qui sont ailleurs, dans les sphères intellectuelles ou dans les lointaines contrées, que l’amour qui lient les citoyens d’un pays est le respect de l’autre. Qu’il fasse outrage à nos croyances ou qu’il dérange nos habitudes, le respect demeure de rigueur. Sans respect, il n’y a point d’amour et sans amour il n’y a point de patrie.
Quand je vois un « marocain » devenir vulgaire, arrogant et méprisant, je me dis qu’il a, soit manqué quelque chose dans son parcourt de citoyen, soit qu’il lui manque quelque chose. Dans les 2 cas, il est à plaindre même s’il se cache derrière son existence bien faite. Ne sait le gout des lentilles à la marocaine que celui qui y trouvé un peu de sa mère quand elle calcule pour faire nourrir tout le monde. On y trouve la solidarité, celle là même qui fausse le calcul du taux de chômage et évite à nos grands parents la solitude et l’indifférence des hospices.
Tant pis pour les abonnés aux grands axiomes universitaires, tant pis pour les convertis à l’individualisme, pour être et rester fils de ce pays, fier de ce pays, il faut cultiver le respect des concitoyens. C’est la seule condition pour que ta carte d’identité ne jaunisse pas et devienne flasque comme une promesse non tenue. Le respect doit couronner tes succès, c’est le paraphe en bas de ton capital sympathie. C’est lui qui garantit aux autres qu’on est digne du pays auquel on appartient.

Un des pays les plus généreux du Monde

Fais ce que tu aimes !

Photo X Internet

Et aimes ce que tu fais car la vie t’appartient et nul n’a ce droit de venir te dire, ni ce que tu dois faire, ni comment le faire. C’est le principe même de la liberté, celle qui, en deçà des règles, échappe au chaos et à l’arbitraire. Ils sont nombreux ce qui s’habillent comme des anges pour venir limiter la respiration et le regard en prétendant connaitre le chemin du paradis. Ils sont nombreux ceux qui, dans l’exiguïté de leur cerveau, imaginent des phrases qui font pleurer les singes et pourtant, si vous vous attardez, un tant soit peu, sur leur pauvre existence, vous constaterez qu’ils ne sont que des ballons de baudruches gonflées de vanité. Ils cultivent l’apparence comme on arrange l’étal d’une épicerie pour mieux accrocher le porte-feuille.
Le sujet de cet article n’est pas de parler de la bêtise quand elle devient médiocre mais de rendre hommage à ces esprits rares qui se manifestent avec intelligence quand ils s’exaltent devant la beauté des scènes que la nature nous prodiguent ou devant le verbe qui fait frémir, dans leur sensibilité profonde, ce qu’ils protègent du regard malsain ou maladroit.
Ils sont, dans la finesse des réactions humaines, ces esprits qui n’ont point besoin de paraître pour exister. Ces voix, à peine audibles, dans le vacarme des prétentions nombreuses qui rappellent la magie du chant de l’oiseau quand il veut convaincre sa femelle, le ronronnement du félin promenant son museau sur les contours du désir bestial, le mince bruit d’une fleur à peine effleurée par le vol de l’insecte qui tente de voler son parfum.
Ils sont, ces êtres discrets jusqu’à la présence invisible, le dernier rempart qui empêche l’art de s’évaporer, la beauté d’être vulgaire et le parfum de devenir odeur.
Ils n’ont point besoin de faire du bruit pour convaincre, leur présence suffit pour que l’heure s’illumine et que la nuit devienne trop courte pour tout sentir.
Ils ne marchent pas, ils glissent sur l’impuissance de ceux qui n’ont pas appris à vivre. Dans leur corps qui défie l’harmonie des courbes à peine visibles, il y a cette magie qui sublime le geste gracieux de la danseuse à peine mobile et rappelle la sensualité du doigt qui écarte la chevelure et dégage le regard.
Ils s’épanouissent dans le silence de leur demeure et, quand le matin tente de les surprendre, ils sont déjà ivre du jour à venir.
Dispersés dans l’étendue du monde qui les accueille, ils forment la tribu de ceux qui font ce qu’ils aiment et quand ils rencontrent ceux qui aiment ce qu’ils font, La joie devient leur territoire qu’ils limitent avec des éclats de rires.
Quand la pluie surprend leurs corps, ils recueillent les larmes de ceux qui souffrent du manque ou de l’injustice pour en faire des perles qu’ils arborent comme des colliers qui se réchauffent sur leur poitrine gonflées de courage. A peine présents dans le langage quotidien, à peine visible dans la foule qui remue la poussière des destins, à peine audibles dans le fracas des serments déguisés en vérité, ils sont les prophètes qui s’ignorent dans le tumulte du matériel devenu précieux.
Un éclat de leur rire suffit à rassurer l’enfant qui pleure et la douceur de leur regard fait trembler l’humiliation. Monstre sacré de l’intelligence au service de la nature sacrifiée sur l’autel des ambitions dévorantes, ils dénoncent sans vraiment le vouloir, la bêtise maquillée en femme trop riche qui traîne dans son sillage l’arrogance et l’opportunisme.
Ils ne sont là que pour servir de repère modeste à ceux qui ne comprennent pas pourquoi la vie est-elle médiocre, pourquoi la fortune devient-elle indécente et pourquoi les hommes et les femmes veulent devenir éternels et indispensables.

Hommage

Sosie d’intellectuels

L’individualisme a tué en nous, les plus belles valeurs, celles de générosité, d’altruisme et de solidarité. Certains, debout dans leurs bottes ne savent même pas qu’en refusant de faire le geste, ils tuent la citoyenneté qu’ils prétendent défendre. Si au ras du sol, les pauvres bougres veulent y croire, ceux des couches supérieures caressent le rêve indigne de ceux qui veulent gagner plus , sans vraiment rien faire. Notre conscience sociale s’est compartimentée pour, à la fois rêver du monde meilleur, celui de l’égalité des chances et le partage équitable des ressources et se laisser séduire par la facilité de réussir en fermant les yeux, en regardant ailleurs. Pour avoir l’esprit tranquille et éviter de culpabiliser, ils rendent coupables les autres et se plaisent à décrire un chaos qui justifieraient la dérive à laquelle ils rêvent, en secret. Après les parvenus, les arrivistes et les corrompus, il y a cette race, discrète à outrance et jouant à taquiner une intégrité qu’ils prétendent inutile.
Quand on leur demande, au nom de l’objectif noble qu’ils affichent sur leur front, qu’il faut bien commencer à croire que tout peut changer, ils se réfugient dans un refus presque involontaire et s’interdisent de penser que le rêve qu’ils prétendent défendre, peut, un jour, se réaliser.
Mon Dieu, gardez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m’en charge ! » dira Voltaire et, dans notre combat contre l’ignorance, l’analphabétisme, l’obscurantisme et toutes les tares qui handicapent notre développement, il me faudra ajouter, hélas, cette catégorie d’individus qui parlent de valeurs sans vraiment y croire. Défaitistes en apparence mais réellement corrompus par un scepticisme qui cache leur ambition inavouée. Au fond d’eux-mêmes, ils attendent le miracle qui les libéreraient des paroles qu’ils se sont appropriées pour faire partie de cette intelligentsia opportuniste qui gâche le spectacle d’une lutte légitime et inévitable !
Au fond de nos tergiversations quotidiennes pour changer les mentalités, il nous faudra tenir compte de ces faux intellectuels qui jouent, avec horreur et intelligence, avec ce qui nous reste dans cette quête de la citoyenneté entière et intègre.

Merci beaucoup pour ce beau texte Nourr Edine.
La vulgarité, la violence verbale , l’arrogance et la trahison ne peuvent faire la joie que d’un faux intellectuel. Comme tu le dis si bien dans ton texte, quand on a eu une enfance perturbée cela exige un double travail sur soi pour éviter à son âme de revenir à son passé afin d’épargner une torture à son avenir. Ni le fait de savoir lire et écrire cher ami , ne peut corriger chez l’homme son éducation raté . Ni la couleur d’un pays, ne lui rendra l’amour aux autres , brisé par sa propre famille. Ni encore sa conscience, abîmée par l’interdit. L’homme qui nage sur la surface de la terre en s’exhibant avec férocité pour être regardé. Quand le mensonge se bât contre l’esprit et le cœur dans le même corps, l’usage de la vulgarité et du faux deviennent nécessaire pour son image refont surface
Merci mon ami.

Philippe Abadie

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