C'est libre que je suis meilleur

Blessures / Cogitations / La vie ailleurs / Que se passe-t-il ? /

Que faire, dans cette solitude intellectuelle quand rien, dehors, ne m'attire. J'achète un visa à la dame qui inspecte mon allure et sourit quand les mots que je prononce n'écorche pas son oreille.

Raid: MAROC

Blessures

Profondes comme les gorges du Todra
Quand l’aube éclaire les cris d’un enfant.
Souffrances insupportables de la joue
qui reçoit, en guise de compliment,
la main bestiale de l’époux qui rêve d’être
seigneur et maître des destins.
Je hais la face qui vocifère et revendique
le pouvoir divin en chantant des sourates
qu’il exhibe comme un trophée.
J’exècre la morsure des ingratitudes
irrévérencieuses et arrogantes
Quand les dents dessinent des cercles
sur la main qui a protégé, fontanelle et regard
de l’enfant, aujourd’hui, devenu adulte.
J’aime à croire à la bête apprivoisée
qui dort au fond des ambitions
raisonnées et raisonnables,

Quand l’homme s’oublie au creux du sein,
Chaton qui ronronne d’aise
quand la mamelle généreuse
prodigue le gîte et le couvert
au frêle destin des bébés vulnérables.
Je tremble devant les visions quotidiennes
qui heurtent mon innocence
quand je vois le juge ignorer la défense
pour trancher dans le vif des croyances
comme une voyante qui invente le mensonge !
Désabusé et enfin convaincu
Je regarde le jardin rêvé devenir dépotoir
et je meurs doucement, l’âme torturée
par le sort que l’ignorance prépare
dans les alcôves obscures
des mensonges préfabriqués pour séduire.

Là où l’herbe est plus verte

La vie, ailleurs,

La première fois, parti pour l’exile volontaire. Vers cet extérieur devenu familier, inconnu, pourtant, il y a des années. J’ai appris à le connaitre, ici, enfermé dans ce désert peuplé d’habitudes, simplement, d’abord avec des mots qui savent décrire, j’ai écouté ses hommes me parler de liberté, j’ai fredonné leurs chansons et pendant des années, j’ai appris à vivre, en mon fort intérieur, comme si, pendant mes journées creuses, je vivais avec eux, chez eux et presque comme eux, à tel point que, quand la première fois que j’ai foulé leur sol, je me suis senti comme eux.
Aujourd’hui, quand la médiocrité devient trop présente, quand le spectacle de ma rue devient affligeant, quand je remarque que des femmes et des hommes ont peur d’être libre… J’ouvre cette fenêtre qui donne sur leur cour. Je reste des heures à écouter Victor Hugo lyncher l’empereur ou m’esclaffer quand Paul Valéry alambique les mots pour décrire la tristesse des peuples enfermés dans l’ignorance.
Sur le mur Est de ma chambre, une petite lucarne, presque bouchée par l’araignée qui se plait à tisser sa toile sur le silence des voisins. De temps à autre, j’entends la voix lointaine qui s’étire sur un quatrain de Omar Khayam ou les éclats de voix que vient faire taire le monstre qui a conquis l’Amérique, Jabran Khalil, du haut de sa sagesse infinie, parti pour ne plus voir la misère s’emparer des cerveaux figés.
Que faire, dans cette solitude intellectuelle quand rien, dehors, ne m’attire. J’achète un visa à la dame qui inspecte mon allure et sourit quand les mots que je prononce n’écorche pas son oreille. L’avion décolle et mon cœur qui se serre, à la fois, déchiré par l’amour de mon pays endormi et égayé par le futur d’une nouvelle rencontre. J’irai voir Van Gogh dessiné par ses propres pinceaux sur les murs qui regardent le corps torturée par la morsure du serpent, me suis-je promis en bouclant ma ceinture.
Créer la beauté relève de l’Art, dit-on et quand la beauté est partout, tout est art ! Art de vivre et art d’être quand la liberté surveille la censure.

Notes de lecture

Il faut avoir lu son dernier livre « Zabor » pour entrer dans cet univers de Kamel Daoud qui étale l’ennui et l’exclusion dans ces villages maghrébins, oubliés et ignorés. Il aime à s’étendre sur l’intimité de l’humain, la décolonisation de la pensée prise en otage par le religieux avec la complicité du système
Le mot « liberté » face à la crispation, l’aliénation au religieux et cette manie que nous avons à considérer l’autre comme coupable. On a peur de la pluralité de la différence. Nous confondons identité et langue. Un citoyen demande des comptes, un croyant demande ses parts du paradis.
Déculpabiliser la joie et la jouissance. Dissocier le plaisir du péché.
Quand il regarde la frontière fermée entre nos deux pays, il faut trouver les mots qui apaisent pour détruire ces frontières de subjectivités, dira-t-il. Ne pas penser que le grand Maghreb est dans son potentiel économique mais dans cette réelle volonté des deux peuples algérien et marocain à vouloir faire ce Maghreb.
Sur le rôle de l’écrivain, « Écrire n’est pas trahir ! « , c’est éveiller, donner à réfléchir ou simplement donner un autre reve à ceux qui lisent « Tafsir Al Ahlam » comme le succès n’est pas une trahison, écrire uniformément tue.
J’aurai aimé que l’occasion ait été exploité pour en faire un débat et inviter les différentes sensibilités et si la langue n’autorisait pas cette rencontre, au moins, en faire une fête culturelle et intellectuelle.

Kamal Daoud: Ecrire n’est pas trahir

Ah, ce beau pays !

Cogitations

Je regarde ces gens, de bon matin, en ce dimanche des magasins fermés, faire leur jogging en parlant. Dans leur accoutrement spécial transpiration, ils semblent se livrer à une obligation inventée pour faire durer le plaisir des corps à respirer sainement. Ils ont compris, eux, que la vie est une symphonie et l’harmonie qu’elle dégage est si fragile à corrompre que le sort de leurs cellules en dépend.

  • Pourquoi, donc, ai-je l’air de débarquer dans l’univers des rêves que j’essaie de faire dans mes nuits marocaines ?
  • Pourquoi sommes-nous enclins à nous surveiller, les uns les autres ?
  • Pourquoi refusons-nous de respirer, chacun à sa manière, l’air que les roses nous parfument ?
  • D’où nous vient cette envie de vouloir le monde à l’image de nos pauvres cervelles enfumées comme des cadavres de saumon ?
  • Pourquoi sommes-nous dérangés par ce que fait l’autre sans nous soucier de ce que nous faisons ?

La liberté, dans ma rue, est un monstre qui menace notre frileuse quiétude fabriquée à coups « d’incha Allah ». La peur nous tient par la nuque comme des chiens qu’on destine à la mort et nous gesticulons comme un animal qui craint la caresse et pourtant…
Il est si facile d’ignorer les autres pour consommer le courage de ceux qui se gonflent de liberté. Il est si facile, encore, d’imaginer son Dieu, sans vouloir l’imposer aux autres. « Aimez-vous les uns, les autres » dit la vieille rengaine qui n’a jamais voulu rien dire quand on voit le regard qui scrute tes pensées comme une inquisition invisible. On ne te voit pas, on te regarde avec insolence comme si, en étant simplement soi-même, on devient une menace à leur assurance précaire, empruntée à l’écriture alambiquée d’un Abou Horaira qui semble surveiller le rythme de leur respiration. Hier, on a enlevé des kiosques « Sciences et avenir » parce qu’il parlait de l’Islam, aujourd’hui, on interdit le livre qui ose, doute cartésien oblige, poser des questions qui fâchent un subconscient figé au III siècle. L’imam craint pour son aura factice et éphémère. Al Boukhari surveille nos conscience sur Whatsapp et la dame au foulard édicte les lois comme si, à elle seule, elle est à la fois l’élue et le parlement.

  • Qu’arrive-t-il aux enfants qui chantent, en chorale improvisée, les textes lubrifiés à l’huile d’argon ?
  • La démocratie s’arrête-t-elle aux urnes pour accepter que le discours insolent devienne une dictature ?
  • Faudra-t-il verser le sang des consciences révoltées dans nos rues devenues des couloirs de mosquées sans prières ?

Leur première réponse quand on leur parle de liberté est que la religion chuchote à l’oreille de l’état ce qu’il faut croire et oublie que ce même état a le devoir d’assurer à chacun la liberté de croire. Bientôt, il faudra, avant de dormir, vérifier si, sous l’oreiller, il n’y a pas une sentinelle qui surveille vos ronflements. le droit de rêver est devenu interdit !

L’hirondelle boude mon pays

Que se passe-t-il ?

Dans ma tête qui bouillonne
sur cette terre étrangère
dont je ne connais que la langue ?
je vois les êtres passer
me voient-ils ou ne suis-je qu’une ombre
qui fait partie de leur décors ?
Il y a comme un respect du silence
dans lequel je me fabrique une raison
Ni foi qui déborde, ni regard qui accuse
la loi comme religion, le droit comme habitude
la trace du labeur écrite sur le chemin
Chacun son destin, chacun son rêve.
Que faut-il comme effort pour pouvoir
dessiner une nation avec des couleurs ?
Que faut-il comme courage
pour que chacun choisisse son paradis ?
La fleur, d’abord, bourgeon timide
s’ouvre au soleil du matin
nul ne lui montre d’où vient la vie
nul ne lui désigne l’instant pour éclore.
Quand je pense que des cervelles brumeuses
s’abrogent le droit de définir les limites
aux libertés qui font épanouir l’être,
je me dis que quelques rouages bloquent
pour que nos vies deviennent nôtres.
Ils brandissent un livre qu’ils ont lu à plusieurs
et sans se rendre compte que
l’on peut, aussi, se tromper à plusieurs,
Ils prennent la rue en otage
désignent la femme comme une souillure
qu’il faut couvrir pour ne pas céder
à l’odeur qui sème le doute dans leur cœur.
je reviendrais,
c’est sûr mais…
seul mon corps voyagera
en laissant mon âme
au pays de ces mécréants
qui ont dompté la liberté !

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