Je sais que je ne suis ni royaliste ou républicain, ni communiste, de gauche ou de droite, ni musulman, chrétien ou juif, ni que je préfère la Suède ou la Suisse mais ce dont je suis sûr, c’est que dans cet immense désert, je ne suis qu’un petit grain de sable. Prétendre reformater le monde, même avec tous les QI des prix Nobel ou tout l’arsenal militaire des puissances mondiales, serait mentir et passer pour le plus grand escroc que l’humanité ait enfanté. Certains y ont cru et ont fini leur vie dans le trajet d’une salve de balles de fusils ou le larynx écrasé par une vulgaire corde de chanvre.

Ce dont je suis sûr, c’est de l’odeur de l’air que je respire depuis le premier cri qui a laissé la vie entrer dans mes entrailles. Qu’ils aient crié dans mon oreille le verset de Coran obligatoire ou que je fus accueilli par le brouhaha de la fête dans la cuisine familiale, qu’importe ! Le pays en moi est séculaire. Des siècles de batailles, des milliards de nuits de veille, des kilomètres de parchemins griffonnés et des montagnes de festins avalés…

Qui suis-je pour croire que le grain de sable que je suis, puisse prétendre qu’il déplacera le Toubkal vers le désert d’Arabie ou qu’il détournera l’oum Er Rbia vers le Nil ou l’Euphrate ? Sur des millénaires, l’histoire de mes ancêtres s’est écrite au fil des orgies primitives, des légendes de courtisanes séduites et abandonnées, des désillusions vécues comme de véritables aventures humaines, des averses de larmes versées sur les titres de terres spoliées, des actes de naissance falsifiés ou de mariages arrangés, des symphonies de pleurs chantées sur les corps retournés sans vie, des batailles qu’on n’a pas voulues…

Et voilà que des individus viennent prétendre avoir réinventé l’eau chaude et découvert le trou dans l’espace temps qui mène au paradis. Des gourous, malades de leurs mensonges racontent ce que Dieu leur a soufflé, dans leur rêve et, l’air si convaincu, qu’ils pensent avoir tutoyé le créateur des univers, eux, des grains de sable dans l’immense désert qui accueille le bruit imperceptible de leur folie et de leur délire.

Ils ont investis les mosquées, ces temples de silence où les prières se murmuraient, ils ont forcé la veuve et l’orphelin à s’abonner à leur aumône calculée et dans les taudis en carton récupéré ou les humbles demeures en tôle ondulée, ils décrivent des avenirs colorés dans le regard des enfants qui ont soif de dessins animés, sèment la terreur dans les chevelures innocentes des fillettes qui tremblent par crainte d’être trop belles pour ne pas être violées et sortent dans les ruelles sales des indigences utiles quand l’heure des urnes sonne en automne.

Des simples grains de sable poussés par le vent, ils ont formé des agrégats qui empêchent les regards de voir l’horizon. Leur ombre, plus grande au crépuscule, vient confirmer, disent-ils, l’immensité de leur savoir et c’est en érudits qu’ils se présentent, un peu pour louer Dieu et son prophète mais surtout pour nous guider vers le chemin qui, sans eux ne mènera nulle part.

L’Espagne, puis l’Allemagne et hier l’Europe toute entière met le Maroc à l’index, c’est un fait ! La raison qu’ils invoquent: l’utilisation des mineurs dans ce qu’ils ne veulent pas qualifier de métier de surveillant des frontières Sud de l’Espace Schengen. On appelle cela: la solidarité communautaire ! Qu’importe que l’Espagne foule des pieds le droit et la loi en acceptant qu’un ressortissant non européen passe les frontières avec de faux papiers ! Qu’importe si grâce à la compétence des services secrets marocains, plusieurs vies ont été épargnés dans des attentats terroristes déjoués ! Qu’importe que les bateaux européens viennent appauvrir les côtes marocaines en ressources halieutiques ! Qu’importe, enfin, que Sebta et Mellilia soient les derniers bastions du colonialisme espagnol sur des terres même pas européennes !

D’un autre côté, Bien que je n’ai jamais aimé l’adage « Défends ton frère même si c’est lui l’agresseur » et que, pourtant, au nom d’une solidarité arabe et musulmane, on nous rabat les oreilles, je me demande, alors: A quoi nous servent les vocables, termes, qualificatifs ou simplement mots: « frères » arabe et mueulman quand, c’est d’abord, un frère arabe et musulman qui s’acharne à croire qu’il peut nous faire mettre un genou à terre dans un conflit qu’il a inventé, financé et soutenu aux dépends de sa propre population ? A quoi sert de croire qu’il y a une communauté arabe si sa plus haute instance ne bouge même pas son auriculaire quand, en face, « les croisés » comme on les appelle, menace notre sérénité et notre stabilité dans la région et dont ils dépendent eux mêmes ? Où est cette fraternité qui, avec Nasser et Kadhafi, déjà du temps de Feu Hassan II, nous avait culpabilisés au point de nous faire croire que nous trahissions des liens sacrés et séculaires ? Où sont nos « frères musulmans » de l’intérieur comme de l’extérieur, qui aboient quand nous retrouvons nos concitoyens installés en Israël et font semblant de ne rien voir quand l’Europe gonfle le torse pour peu que nous cherchions à diversifier nos partenaires ?

Ce climat délétère et hypocrite, tant européen qu’arabe et musulman ne démontre rien d’autre que le refus déguisé à nous laisser libre de croire que nous pouvons passer d’assistés à adultes !

C’est à mon avis, la seule vérité à laquelle il faut s’accrocher car ami ou pas, frère ou pas, ce qui compte c’est notre volonté inébranlable à ne considérer que nos intérêts et à ne croire qu’en nos ressources humaines, naturelles et intellectuelles. Tout le reste, c’est de la très mauvaise littérature !

Après moultes tentatives de lui rappeler que chacun de nous vient au monde sans autres privilèges que ceux qu’il méritera, soit par le génie qu’il saura se découvrir et développer, soit par l’humilité qu’il adoptera en veillant à le partager.

Elle ne comprenait pas que le regard prédateur du passant ou de l’épicier n’est ni une reconnaissance méritée, ni un ébahissement incontrôlable devant sa beauté mais une envie bestiale de la proie qui s’offre au regard.

J’ai voulu lui dire qu’adopter une telle suffisance juste parce que les quolibets fusent quand, dans la rue, le bruit de sa démarche, dérange les conversations et interrompt les lectures mais, le iota de gloire que parfument ses phéromones printanières semblent lui suffire pour se croire digne des trônes imaginaires. Elle se leurrait sur le destin qu’on lui offrait en échange de sa servilité comme elle se trompait sur l’avenir qu’on lui murmurait pour, simplement, la convaincre d’ignorer jusqu’à sa dignité.

Qu’importe le malheur qui frappera son intimité pourvu qu’elle ait toutes les lumières artificielles derrière lesquelles elle cachera son indigence.

Esclave à l’ombre des réalités et princesse à la lumière des apparences, elle ne m’écoutait déjà plus quand je compris que sa conscience du beau n’était pas dans le détail qui fait la perfection mais sa stupidité de croire que la beauté est un diadème qui fait d’une grenouille, une reine.

Désabusé, un peu en colère, toute l’empathie que j’avais pour sa personne que je voulais agréable mua en refus pour le dessein méprisable de prédatrice qui s’habille en proie pour piéger les envies qu’elle croit pouvoir contrôler en les suscitant.

Il y a un an, c’est avec les yeux d’un espagnol que j’ai admiré mon pays. Cette année, l’Espagne joue la fille de joie et le Maroc, toujours grand et digne, passe son chemin. Impassible aux coups de hanches sur le trottoir européen que la dame en robe rouge et jaune tente pour l’amadouer. Il y a, dans sa mémoire, tant d’épopées à raconter, qu’il n’a plus le temps de l’écouter.

6 juin 1944, minuit, pour ne citer que cette guerre, quelques temps avant le jour J, c’est à Casablanca, que les alliés, reçus par feu Mohamed V, décidèrent des sites par où leurs armées attaqueront. Patton arrivera par la mer, sur les côtes marocaines, délogera les « collabos » français, des garnisons au service du fascisme nazi. Les chars américains à Casablanca, l’artillerie devant la Kasbah de Média. Sans oublier, les contingents de tirailleurs (« tarayours »), là bas, devant Dunkerque, tombés pour protéger la retraite des anglais quand Hitler avait envahi la France…

L’Espagne, elle, jouait, encore et toujours, la fille de joie, sous le regard d’un Franco, couvert de médailles pour avoir massacré ses compatriotes dans ce qu’on appelle la guerre d’Espagne.

Dans le fond d’un tiroir, sous les couteaux et les cuillères, une fourchette, datant de la guerre d’Indochine, celle d’un grand père, marquée « US » (United States) témoigne, presque inconsciente de la valeur de notre histoire…