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Pérégrinations nocturnes
Il faut se lever avant le soleil pour se délecter du silence qui repose du vacarme de la journée. La solitude devient un havre de paix où l’âme s’enchante de sa propre liberté d’être. Le chien qui aboie, au loin, rappelle le gardien endormi à sa fonction première et le silence revient. L’esprit étale ses envies comme le vendeur du Tafilalet qui dresse ses gris gris, ses plantes inconnues et ses cadavres séchés de bestioles ramassées sur le sable de l’Erg Chebli. Chaque ingrédient est le mirage à venir que l’on veut voir se matérialiser. Il s’amuse à mélanger les rêves pour inventer d’autres désirs. Certains sont morts nés car la censure est impitoyablement hypocrite, d’autres auront des couleurs que les aveugles des libertés ne verront point. Le spectacle de cette débandade spirituelle est une joie que certains recherchent dans le regard qui s’accroche à la fragilité d’une cheville, d’autres y voient la meurtrissure du souffle qui peine à sortir. Chaque pensée devient l’expression d’un déséquilibre interne et profond, avec, d’une part, l’envie de librement vivre sur la scène de sa propre existence et, d’autre part, la crainte de la perversité des autres à croire que tout doit être pareil, homogène et identique !
De la mère qui étouffe son bébé en voulant trop l’aimer au père qui s’ignore dans son besoin de croire que la vie se débrouille sans assistance. De la flamme qui s’épuise en paroles vendues pour paraître à la fumée des soubresauts qui restent quand l’âme s’épuise à vouloir être libre, de la femme qui accepte le baiser comme une preuve de sa puissance à l’homme qui s’acharne à se faire croire qu’il ne peut être que l’amant de toutes les femmes, mon esprit se balade et mon cœur se repose, à l’ombre du droit que je reconnais à chacun d’être ce qu’il peut être. Avec ses faiblesses humaines et les marques d’un passé qu’il n’a pas voulu.
Les premiers bruits arrivent comme les pas du gardien qui fait sa ronde, non pour contrôler qu’aucun intrus n’est venu tromper sa vigilance mais pour noter ce qui peut servir aux oisifs du jour qui peuplent les terrasses communes et vulgaires. Il y a, dans le silence qui précède le jour, comme une fraîcheur de source vierge qu’aucune main n’est venue salir, une paix qui se renouvelle dans le noir obscure du sommeil.
Étrange que je ne me sente vivre qu’à l’abri des paroles prétentieuses, loin des existences types qui se ressemblent comme ces gouttes qui tombent du même nuage. De loin, parfois, je ressens les griffures des présences que ma liberté dérange et le peu que je laisse aux autres de ma fortune intérieure, se déchire devant leur peine à croire que j’invente, avec des mots, un univers inutile. Je ne fabrique rien pour les autres si ce n’est la joie que je trouve dans mes pérégrinations nocturnes. Libre à eux de vouloir souffrir dans la peur de paraître ridicule ou inconsistant, la liberté est un devoir qui donne ce droit de croire que chacun, à nul autre pareil, est un univers digne d’être découvert. Et le poète d’écrire:
« Dévorons ce fruit, dans le silence de notre solitude, pour en extraire le jus et le parfum. La vie deviendra un jardin où mille fleurs embaumeront nos matins ! »
Clin d’œil
Comme un plaisir qui ne vient jamais seul, la larme tombe sur la joue douce comme le chant d’une rivière… Lui-même ne sait pas pourquoi il pleure. Trop de choses à comprendre, trop d’espace à explorer et trop de mot à apprendre. Le rythme hésitant de ses pas l’expose à la douleur d’une chute probable mais rouge de colère, il se relève et recommence. A lui seul, il est le spectacle de la vie qui s’installe dans nos habitudes décrépies par des générations d’expériences. Le regard qui questionne sur la moindre faille de notre incapacité à deviner ce qu’il veut, il passe à autre chose avant d’avoir compris ce que le père lui explique et déjà, il est dans un autre univers, son univers à lui, loin derrière le fatras de notre vie organisée comme un champ de vigne, vide, croulant sous le silence d’un hivers trop long.
Le cœur s’étonne quand, en me voyant, il m’offre le sourire de ceux qui nous sont proches et qui nous aiment. Il ouvre les bras et les tend vers moi réveillant ma fierté d’être reconnu et doucement, il me propose ce que je ne sais pas deviner comme fabriquer une histoire avec un bout de bois.
Instants complices qui ramènent l’esprit ankylosé par des années d’habitude, vers cette magie où on se réfugiait pour fuir le trop sérieux d’une vie adulte. Ah, si on pouvait seulement rester enfant !
Tristesse
Il y a, en chacun de nous, ce besoin d’avoir quelqu’un pour qui on aurait envie de se réveiller le matin. Celui ou celle qui nous ferait croire que, sans lui, il n’y a point d’espoir. Parfois, on tombe dans le piège, celui de vouloir tout voir à travers ses yeux. On s’obstine à vouloir y croire mais, le temps finit par nous faire voir que chacun n’a de regard que pour lui-même. Après s’être cristallisé sur l’autre jusqu’à l’aliénation, on finit par prendre conscience qu’on ne voit bien les choses qu’à travers son propre regard. On comprend que quand quelqu’un vous aime parce que vous l’aimez, ce n’est point pour vous même mais par conformité de goût. Il vous aime car vous aimez la même personne.
Fouzia Alami
Un peu démoralisant et quelque peu tristounet !
Nourr Edine
Il y a des jours où le soleil tarde à déchirer les nuages… Alors comme lui, on attends une éclaircie. Je raconte ce que je vois, un peu chez les autres quand j’assiste au spectacle d’un amour de circonstance !
Questionnement
Je regarde ces gens, de bon matin, en ce dimanche des magasins fermés, faire leur jogging en parlant. Dans leurs accoutrements spécial transpiration, ils semblent se livrer à une obligation inventée pour faire durer le plaisir des corps à respirer sainement. Ils ont compris, eux, que la vie est une symphonie et l’harmonie qu’elle dégage est si fragile à corrompre que le sort de leurs cellules en dépend.
– Pourquoi, donc, ai-je l’air de débarquer dans l’univers des rêves que j’essaie de faire dans mes nuits marocaines ?
– Pourquoi sommes-nous enclins à nous surveiller, les uns les autres ?
– Pourquoi refusons-nous de respirer, chacun à sa manière, l’air que les roses nous parfument ?
– D’où nous vient cette envie de vouloir le monde à l’image de nos pauvres cervelles enfumées comme des cadavres de saumon ?
– Pourquoi sommes-nous dérangés par ce que fait l’autre sans nous soucier de ce que nous faisons ?
La liberté, dans ma rue, est un monstre qui menace notre frileuse quiétude fabriquée à coups « d’INCHA ALLAH ». La peur nous tient par la nuque comme des chiens qu’on destine à la mort et nous gesticulons comme un animal qui craint la caresse et pourtant…
Il est si facile d’ignorer les autres pour consommer le courage de ceux qui se gonflent de liberté. Il est si facile, encore, d’imaginer son Dieu, sans vouloir l’imposer aux autres. « Aimez-vous les uns, les autres » dit la vieille rengaine qui n’a jamais voulu rien dire quand on voit le regard qui scrute tes pensées comme une inquisition invisible. On ne te voit pas, on te regarde avec insolence comme si, en étant simplement soi-même, on devient une menace à leur assurance précaire.
Légitime posture
La nuit arrive, avec elle ce silence complice de ma joie d’être seul et mon bonheur de penser sans être bousculé par les vicissitudes d’une vie que je n’aime plus. Elle est ailleurs, mon idéal d’existence. Je m’y vois inconnu dans un village d’inconnus et je me plais dans cet état où rien ne vient me rappeler des règles, chaque jour , plus complexes et inutiles.
On me veut souriant quand mon cœur se torture par manque de liberté. on crie à tout va, qu’il faut craindre un dieu qui me devient étrange et on m’annonce qu’il voit tout, qu’il est partout…
Mais alors, a-t-il besoin de vous pour faire sa propagande ?
Il sait ce que nous faisons et ce que nous pensons. Ai-je besoin de vous pour lui plaire ?
Quel jeu avez vous inventé pour faire commerce de son nom ?
Vous qui prétendez le connaitre, savez-vous que Dieu n’est pas dupe de vos manigances et la foi n’est pas une étiquette qu’on affiche mais un air que l’on respire ?
Une autre tasse de thé ?
Demain,
je repars. Vers cet extérieur devenu familier, inconnu, pourtant, il y a des années. J’ai appris à le connaitre, ici, enfermé dans ce désert peuplé d’habitudes, simplement, d’abord avec des mots qui savent décrire, j’ai écouté ses hommes me parler de liberté, j’ai fredonné leurs chansons et pendant des années, j’ai appris à vivre, en mon fort intérieur, comme si, pendant mes journées creuses, je vivais avec eux, chez eux et presque comme eux, à tel point que, quand la première fois que j’ai foulé leur sol, je me suis senti comme eux.
Aujourd’hui, quand la médiocrité devient trop présente, quand le spectacle de ma rue devient affligeant, quand je remarque que des femmes et des hommes ont peur d’être libre… J’ouvre cette fenêtre qui donne sur leur cour. Je reste des heures à écouter Victor Hugo lyncher l’empereur ou m’esclaffer quand Paul Valéry alambique les mots pour décrire la tristesse des peuples enfermés dans l’ignorance.
Sur le mur Est de ma chambre, une petite lucarne, presque bouchée par l’araignée qui se plait à tisser sa toile sur le silence des voisins. De temps à autre, j’entends la voix lointaine qui s’étire sur un quatrain de Omar Khayam ou les éclats de voix que vient faire taire le monstre qui a conquis l’Amérique, Jabran Khalil, du haut de sa sagesse infinie, parti pour ne plus voir la misère s’emparer des cerveaux figés.
Que faire, dans cette solitude intellectuelle quand rien, dehors, ne m’attire. J’achète un visa à la dame qui inspecte mon allure et sourit quand les mots que je prononce n’écorche pas son oreille. L’avion décolle et mon cœur qui se serre, à la fois, déchiré par l’amour de mon pays endormi et égayé par le futur d’une nouvelle rencontre. J’irai voir Van Gogh dessiné par ses propres pinceaux sur les murs qui regardent le corps torturée par la morsure du serpent, me suis-je promis en bouclant ma ceinture.
Créer la beauté relève de l’Art, dit-on et quand la beauté est partout, tout est art ! Art de vivre et art d’être quand la liberté surveille la censure.
Regard
Entre le sourire qui en dit long et l’œil qui recherche le compliment, le regard caresse la présence, ronde comme un fruit étouffé par la sève qui lui monte des racines. Elle se savait un piège pour le désir du mâle qui vibre à sa démarche mais, pour mieux se sentir vivre, elle avait besoin qu’on le lui dise. Comme un insecte qui inspecte la moisson, dans la fraîcheur des calices tremblants, comme un nuage qui se laisse aller au gré de la brise capricieuse, comme un doigt qui effleure l’épiderme, elle se voulait partout où le regard se plaît à atterrir.
Reine dans sa tête que l’angoisse terrorise, elle attend le mot qui réveille son bas ventre comme une lance qui traverse le silence. Devant la glace qui ne sait pas mentir, elle découvre le plus qui cache la finesse de ses rondeurs. Elle se regarde et ausculte le reflet de son corps en tournant sur elle-même pour trouver le charme qui se cache et qu’elle veut faire apparaître. Elle cherche dans sa mémoire les mots qui dessinaient l’attirance fugace qu’on a pu voir. Elle se contorsionne, se cambre et exagère les courbes qui font taire les regards mais le ventre plein ou la cuisse généreuse lui rappellent l’effort qu’elle se doit de faire pour se trouver belle.
Ronde et après ?
« Nos hommes regardent les femmes fines quand ils sont ensemble mais se plaisent à se noyer dans la chaire abondante quand la nuit arrive » lui avait soufflé sa grand mère. Il lui faudra inventer l’illusion d’être mince en gardant un peu de graisse là où la main se repose. Dilemme impitoyable qui déstabilise les papilles insatiables et le calvaire de l’abstinence. Faut-il souffrir pour être belle, pour être femme et désirable ou oublier les regards qui balancent entre le désir et l’indifférence ?
Dans sa tête qui s’obstine, elle trace la liste des hommes qui la regardent et ceux qui refusent de la voir. Elle comptent les avis qui la dessinent comme une offrande nocturne et ceux qui ne lui accordent qu’une attention brève. Malgré le nombre des bouches qu’elle laisse ouvertes, malgré les souffles qu’elle arrive à couper en marchant comme une promesse de bonheur, malgré les dialogues qui s’interrompent quand elle passe, elle ne retient que la remarque qui lui rappelle qu’elle s’oublie quand ses dents travaillent. La faim qu’elle s’invente quand la table se garnit deviendrait-elle plus puissante que la caresse du regard qui réveille le besoin d’être attirante ? Quel plaisir serait-il meilleur, celui du corps qui revendique sa nourriture ou celui du bonheur d’être femme ?
Elle se retourne pour partir et jette un regard au reflet qui s’éloigne. Narcisse se réveille et sur sa croupe généreuse tombe le plaisir des hommes qui savent trouver la fraîcheur des femmes quand l’œil devient inutile.
Table des matières